[Lettre de Quicherat à De La Croix du 22 mai 1881]

<p><strong>Transcription</strong></p><p>Ecole Nationale des Chartes</p><p>Palais des Archives Nationales</p><p>Rue des Francs-Bourgeois, 58</p><p>22 mai 1881</p><p>Mon cher père,</p><p>Rien n&#039;est plus fâcheux que la compétition que vous m&#039;annoncez, d&#039;autant plus que, depuis que le ministre a dit publiquement qu&#039;il serait donné de l&#039;argent pour les fouilles, les demandes arrivent de tout côté. Cela va faire de l&#039;embrouillamini, et l&#039;embarras de contenter tout le monde obligera de faire des cotes mal taillées dont personne ne sera satisfait. Du reste, le Comité n&#039;a pas encore été saisi de la<p><p>Saut de page</p><p>question. On ne s&#039;occupe pour le moment que de régler la forme à donner à la publication qui va remplacer l&#039;ancienne Revue.</p><p>Je tiens pour très intéressant l&#039;objet que vous m&#039;avez envoyé. Il serait, à mon avis, un peu plus jeune que vous ne l&#039;estimez. La longueur de la cotte de chevalier annonce les environs de l&#039;an 1100.</p><p>Est-ce un Saint-Georges? C&#039;est possible. Cependant il n&#039;a pas de nimbe, et je n&#039;ai encore vu nulle part qu&#039;on ait fait du dragon de Saint-Georges un monstre à trois têtes. Au contraire, cette sorte de bête est l&#039;un des lieux communs de l&#039;ornementation du XIe siècle : on l&#039;a mise à toute sauce sans qu&#039;elle ait eu d&#039;autre sens que d&#039;être une chose à<p><p>Saut de page</p><p>la mode. Rien que la position qu&#039;elle occupe ici, au dessus de la tête du chevalier, est une raison pour croire qu&#039;elle n&#039;a pas de rapport avec cette figure.</p><p>Pour ce qui est de la destination de l&#039;objet, vous n&#039;avez qu&#039;à en mettre les pièces dans cet ordre pour voir se dessiner la monture d&#039;un poignard. Je cherche vainement dans ma mémoire quelque chose d&#039;aussi ancien en ce genre. Une pièce de cette rareté mérite à coup sûr d&#039;être publiée. C&#039;est à vous autres, antiquaires pur sang et qui avez du temps à vous, qu&#039;il appartient de faire cela. Un Jean-fait-tout, comme moi, doit se borner à saisir au vol la vue des choses, et à indiquer le parti qu&#039;on en peut tirer. Si vous le trouvez bon, je ferai part de cette trouvaille aux Antiquaires de France, en la présentant comme votre don de joyeuse entrée dans leur Compagnie.</p><p>A vous votre tout dévoué et affectionné</p><p>J Quicherat<p>